Des parfums, la nuit

Pendant près de cinq siècles, le répertoire de la guitare classique s’est pratiquement développé en huis clos, les guitaristes étant les seuls compositeurs pour l’instrument. Au début du 20e siècle, la guitare est au centre d’une petite révolution musicale qui changera son destin. On voit apparaître un vaste répertoire pour guitare signé par des compositeurs qui ne jouent pas de l’instrument. Inspirés par Falla et Debussy, ils dédient leurs oeuvres à celui qui sera bientôt considéré comme le père de la guitare classique: Andrés Segovia. Par ses interprétations de qualité et son répertoire évoquant le passé noble et exotique de la guitare, ce dernier la fait bientôt rayonner en tant qu’instrument savant à l’international. Avec la ferme intention de stimuler la création d’un répertoire la valorisant, Segovia incite et assiste les compositeurs à écrire pour lui. Le virtuose, dès ses premiers concerts à Paris au printemps 1924, obtient un succès fulgurant. Aidée par les activités des sociétés de concert et de la presse musicale la guitare de Segovia rayonne dans les différentes sphères créatives et de nombreux compositeurs français, parmis lesquels Breville, Migot, Tansman et plus tard Sauguet et Poulenc contribuent à enrichir le répertoire pour guitare. Clin d’œil au deuxième mouvement d’Iberia, Les parfums la nuit, de Debussy, le titre de ce disque fait allusion au frisson de l’âme, hors de toute morale et raison, que produit la musique.